Au XIXème siècle, Saint-Ouen n’était qu’un petit village de 1000 habitants : comment est-il devenu, en l’espace d’un siècle, « Les Puces », cette plaque tournante internationale du Marché des Antiquités et de la Décoration, quatrième site touristique le plus visité de France avec 120 000 visiteurs chaque week-end ?
Lorsque l’on se replonge dans l’histoire de la ville de Saint-Ouen, la conjonction de plusieurs facteurs permet d’expliquer la destinée extraordinaire de ce petit village agricole devenu le lieu privilégié de tous les chineurs de meubles et d’objets d’art, « le grenier du Monde » !
Saint-Ouen est un lieu très dynamique au XIXème siècle. Il rassemble de nombreux parisiens chaque fin de semaine grâce à de multiples activités attractives ! À cette présence initiale s’est ajoutée, fortuitement, la présence forcée d’une profession en devenir : celle des brocanteurs – antiquaires ; le cumul de ces deux facteurs a permis de transformer Saint-Ouen en ce lieu incontournable, encore aujourd’hui : les Puces de Paris Saint-Ouen !
Saint-Ouen, un village où il fait bon vivre
Au XIXème siècle, le village de Saint-Ouen, situé aux portes de Paris, est extrêmement bien desservi par les transports publics et fait donc partie des destinations très appréciées des parisiens qui avaient pour habitude, chaque fin de semaine, de venir se promener « hors les murs » de la capitale pour se détendre.
En effet, Saint-Ouen offrait aux parisiens un cadre de verdure exceptionnel. Son île en bord de Seine permettait à chacun de faire du canoë, de s’adonner à la pêche, de se retrouver autour d’un pique-nique et de pratiquer toutes sortes d’activités champêtres.
Au delà d’un cadre plaisant, Saint-Ouen offrait aussi un cadre ludique, riche en activités. Ainsi, le champ de courses hippiques inauguré en 1880 sur le domaine du Château de Saint-Ouen connaissait un franc succès et ses manifestations, toujours plus nombreuses, attiraient une foule croissante de passionnés, d’amateurs de chevaux ou bien encore de badauds.
Les visiteurs trouvaient également à Saint-Ouen une ambiance conviviale, festive et joyeuse. On y venait pour déguster, dans les nombreuses guinguettes et brasseries, au son des accordéons, les fritures et matelotes de poisson avec le fameux vin blanc de Saint-Ouen ! Et Oui ! Saint-Ouen produisait jusqu’en 1911 son propre vin, apprécié, dit-on, à la table des rois de France depuis le XIIIe siècle ! Au delà de l’ambiance et de l’originalité des denrées produites sur places, les parisiens venaient également trouver à Saint-Ouen des produits vendus moins cher qu’à Paris ! En effet, l’octroi, l’impôt qui frappait les marchandises, ne concernait que les biens qui rentraient dans l’enceinte de la capitale ; venir les déguster en dehors des portes de Paris représentait une économie non négligeable et favorisait les dégustations dans Saint-Ouen !
Toutes ces activités divertissantes et bien d’autres encore, comme les Fêtes de bienfaisance, les bals champêtres, les concerts de musique à ciel ouvert, les compétitions de natation, de tir ou bien encore de football, les jeux pour enfants, sans oublier les Expositions de la Banlieue de Paris qui mettaient en valeur le savoir-faire des industries naissantes installées à Saint-Ouen, ont toujours été encouragées, si ce n’est organisées, par la municipalité de Saint-Ouen. Elles ont participé à la notoriété de ce village et à son développement, qui ne cessera de s’intensifier tout au long des XIXème et XXème siècles.
La naissance du métier de brocanteur et d’antiquaire
Pour bien comprendre le second élément qui a fait du village de Saint-Ouen le plus grand marché d’antiquités et de décoration au monde, il faut remonter le temps afin de mettre en lumière certains us et coutumes français. Lorsque l’on évoque les traditions, une en particulier fut déterminante : celle qui octroyait aux gens d’origine très modeste le droit de faire commerce dans certaines zones, de choses ramassées dans la rue afin de subvenir à leurs besoins.
De cette tradition est né le métier de récupérateur, appelé parfois aussi chiffonnier, que l’on trouvait principalement dans les grandes villes eu égard à la densité des habitants et à la quantité importante d’ objets de rebut ou d’occasion.
Ce métier, chaotique à ses débuts, s’est peu à peu structuré et organisé en une véritable filière industrielle hiérarchisée, en une chaîne humaine verticale dense qui représentait un chiffre d’affaire conséquent au XIXème siècle !
A la base de cette chaîne se trouvait le crocheteur, le piqueur ou bien encore le « pêcheur de lune », appelé ainsi parce qu’il parcourait les rues de Paris la nuit, à la lueur de la lune. Armé d’une grande hotte en osier, d’une lanterne et d’un bâton crocheté à son extrémité, ce « chiffonnier » arpentait les ruelles à la recherche des objets de rebut avant que ceux-ci ne soient récupérés par les services de la voirie. Une fois sa hotte pleine, le piqueur s’en allait voir le trieur, ou Petit Maitre chiffonnier, lequel, comme son nom l’indique, rachetait, triait et entreposait le contenu des hottes dans son hangar. Une fois le tri effectué et le volume des différents matériaux – tels que les chiffons, les papiers, le cuir, le verre, les os – jugé suffisant, le trieur s’en allait négocier sa récolte avec le Grand Maître Chiffonnier, véritable grossiste en matériaux recyclables destinés à être vendus à l’industrie française galopante !
Il semblerait que le métier de brocanteur soit né de cette filière industrielle et qu’il s’en soit progressivement détaché pour revêtir une identité propre. Effectivement, il ne s’agit plus de récupérer gratuitement des objets de rebut recyclés mais bien de sélectionner et de négocier l’achat d’objets d’occasion dont la valeur intrinsèque est suffisante pour les revendre et leur assurer une seconde vie propre.
Si la profession s’est spécialisée, il est vrai qu’au départ, chiffonniers et brocanteurs ne faisaient qu’un. C’est pourquoi ils subirent le même sort lorsque le préfet de Paris décida en 1870, pour des raisons de salubrité publique et de trouble du voisinage, de les chasser de Paris et de les installer « hors les murs », sur la zone militaire.
Effectivement, il existait autour de Paris une enceinte militaire édifiée en 1845 par Adolphe Thiers, Ministre de l’Intérieur sous Louis-Philippe. Ces fortifications, censées protéger Paris, étaient doublées sur leurs parties extérieures d’une zone militaire rase, non constructible, large de 300m et protégée tout du long par des casernes. Ultérieurement, le développement de l’aviation militaire et de son armement rendit cette enceinte inutile pour protéger Paris ; néanmoins elle ne fut pas inutile pour tout le monde et les chiffonniers et brocanteurs ne tardèrent pas à l’investir pour s’y loger ! C’est ainsi que toute une population de gens, dont le savoir-faire était le recyclage, s’est retrouvée coincée entre les fortifications et le village de Saint-Ouen, sur cette zone de non-droit qui englobe notamment la Porte de Clignancourt, de Montmartre ou bien encore la porte de Saint-Ouen.
Bien que mal logés dans des cabanes en bois et ne pouvant remédier à cette situation dans l’immédiat, le terrain n’étant pas constructible, ces nouveaux occupants ne tardèrent pas à percevoir néanmoins l’intérêt et les profits qu’ils pouvaient tirer de leur position à proximité d’un nombre important de clients potentiels dans le village de Saint-Ouen et de tous ces riches badauds parisiens, qui venaient s’encanailler et se détendre « hors les murs » et qui étaient une véritable manne ; Saint-Ouen y bâtit sa destinée, sa réputation et sa richesse.
La construction des Puces de Saint-Ouen d’aujourd’hui
Si le déclic se produisit, il fallut organiser ce nouveau commerce émergeant. En effet, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Saint-Ouen profite pleinement de l’ère industrielle et sa démographie explose. Il faut non seulement loger les nombreux ouvriers, qui travaillent dans l’industrie audonienne, mais aussi les chiffonniers et brocanteurs envahissants et pas toujours dociles dont la ville a hérité. Il devient urgent pour la municipalité de proposer des solutions urbaines.
C’est ainsi que fleurissent à Saint-Ouen, durant tout le XXème siècle, de nombreux marchés d’antiquités, situés principalement au niveau de la rue des Rosiers et construits à l’initiative d’investisseurs particuliers et de la municipalité.
Ces projets et ces marchés, regroupant et organisant la profession des brocanteurs et des antiquaires, ont tenté de répondre aux besoins exprimés par les habitants et les puciers de Saint-Ouen. Cette activité devient l’un des signes distinctifs de la ville, façonne le visage actuel des Puces de Paris Saint-Ouen et fait d’elles ce qu’elles sont encore aujourd’hui : le plus grand rassemblement mondial d’antiquaires !
Et aujourd'hui ?
Marché Biron, Marché Dauphine, Paul-Bert Serpette… ces noms là ne vous disent peut-être rien et pourtant il s’agit du nom des marchés d’antiquités des Puces de Paris Saint-Ouen, dont certains sont vieux de plusieurs dizaines d’années ! Chaque Marché est unique et propose des marchandises de spécialités, d’époque et d’ambiance !
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En attendant, profitez des Puces de chez vous et parcourez notre boutique en ligne !
Nous remercions les archives de Mairie de Saint-Ouen qui nous ont permis d’illustrer cet article !
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